L'hébergement d'urgence prend son temps

Publié le par CNL-Nanterre

L'Humanité 17 janvier 2017

Les associations reprochent à la préfecture du Rhône et à la mairie de Lyon de tarder à mettre en
place les mesures nécessaires à l'accueil des mal-logés et des sans-abri, laissant des centaines de personnes à la rue.

«Il y a urgence. Il reste des familles avec des bébés qui dorment dehors ! » martèle Audrey Sibellas,
déléguée régionale et porte-parole de la Fnars en Rhône-Alpes. A l'approche d'une nouvelle vague de
froid, et alors que la température dans la région lyonnaise est déjà tombée en dessous de 5 °C la nuit,
les associations ne comprennent pas pourquoi la préfecture, en concertation avec la mairie, n'a pas
encore jugé nécessaire d'ouvrir un deuxième centre d'hébergement d'urgence. Le 3 janvier, dans le
cadre du plan Grand Froid, un premier gymnase avait été réquisitionné, permettant la mise à l'abri,
au moins la nuit, de 140 personnes. L'ouverture d'un deuxième gymnase disposant d'une capacité
d'accueil équivalente avait été prévue, et même annoncée, avant d'être annulée le week-end du 7-8
janvier. Face aux protestations des associations et de la presse locale, la préfecture assurait, hier,
qu'« il n'y a plus de polémique. Nous sommes en train d'évaluer les besoins en concertation avec les
associations et nous nous apprêtons à ouvrir un deuxième centre ».

« Comment est-il possible d'annoncer que personne n'est dehors, quand le 115 et le Samu social laissent des personnes chaque jour sans solution ? » accusait, le 12 janvier, le collectif des Professionnels de l'urgence sociale (PUS), basé à Lyon. Entre les autorités et les associations, la bataille des chiffres fait rage. A la mairie de Lyon comme à la préfecture, on expliquait, vendredi 6 janvier, que les places ouvertes seraient suffisantes, compte tenu du nombre de personnes à la rue recensées.
« Nous nous basons sur les chiffres fournis par la Maison de la veille sociale, qui est une association », soulignait alors la préfecture. « Et on fait un distinguo entre l'urgence absolue de ceux qui
sont à la rue et la situation de ceux qui sont en habitat précaire. » « Tous ceux qui vivent en squat, dans leur voiture, en bidonville ou dans toute sorte d'habitat précaire nécessitant une mise à l'abri font aussi appel au 115 », rappelle pourtant Audrey Sibellas. Ces deux dernières semaines, et malgré l'ouverture du gymnase, 1 500 personnes ont fait appel au Samu social, sans que des solutions aient pu leur être proposées. Un chiffre qui ne prend pas en compte ceux qui ont renoncé, face à la difficulté à joindre le 115 ou au peu de solutions proposées. « De fait, les 140 places du gymnase ont été occupées dès leur ouverture, et uniquement par des gens qui avaient été jugés prioritaires par la Maison de la veille sociale, à savoir des personnes âgées, handicapées ou des familles avec des enfants en bas âge, rappelle Juliette, du collectif PUS. Ce sont les plus fragiles parmi les fragiles, et tout ce qu'on a à leur offrir, c'est un gymnase, seulement la nuit. »

L'urgence a été alimentée par le retard dans la mise en application du plan Froid, qui démarre le 1er
novembre et offre des solutions un peu plus pérennes, pour toute la durée de l'hiver. Le 22 décembre,
alors que 115 enfants à Lyon et 375 en Isère dormaient dans la rue, la Fnars soulignait dans un communiqué que seulement 300 des près de 800 places prévues dans le cadre de ce plan avaient été ouvertes. La préfecture souligne de son côté l'effort fait, avec une augmentation de 72 % des places
d'accueil depuis 2012, et explique que les retards pris sont dus à des travaux de mise aux normes.
Elle assurait hier que l'ensemble des places seraient bientôt disponibles. Pourtant, constate Juliette,
« sur 829 places mobilisables, 455 seulement sont occupées aujourd'hui. On nous a annoncé des ouvertures en plus à la mi-janvier alors que le plan Froid se termine en mars. C'est incompréhensible »
Face à l'augmentation du nombre des personnes en situation de grande précarité, les critères pour
l'attribution de places d'hébergement d'urgence sont de plus en plus serrés. A titre d'exemple, alors
que l'hiver dernier, les personnes isolées accompagnées d'enfants de moins de trois ans étaient prioritaires, cette année, seules celles ayant un enfant de moins d'un an le sont, détaille un communiqué
des salariés du 115 publié en novembre à l'occasion d'un mouvement de grève. « Il y a quelques années, il était inconcevable que des enfants dorment à la rue. Aujourd'hui, il y a des nourrissons et ça
paraît normal ! » s'indigne Juliette.

Publié dans revue de presse

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