A Paris, des SDF seront accueillis dans le 16e

Publié le par CNL-Nanterre

Article du Monde du 3 octobre


Le centre d'hébergement contesté par les riverains ouvre fin octobre
Installer un centre d'hébergement d'urgence de deux cents personnes sans domicile fixe en lisière du bois de Boulogne est une gageure. Le projet porté par l'Etat et par la mairie de Paris a beau être temporaire – il est prévu pour trois ans –, il est violemment rejeté par le maire (LR) du chic 16e arrondissement de Paris, Claude Goasguen, et une partie des habitants. Le centre ouvrira cependant ses portes fin octobre, accueillant d'abord des familles actuellement hébergées à l'hôtel puis, fin novembre, des hommes à la rue.
Le chantier est presque achevé. A une centaine de mètres d'immeubles cossus s'élèvent cinq bâtiments modulaires en bois, formant un linéaire de 200 mètres de long sur 8 mètres de large, interrompu par des percées, et posés à même le sol : « Il n'y a aucune fondation, aucun trou n'entame la chaussée, selon les vœux de la commission des sites », précise l'architecte Guillaume Hannoun. Les réseaux courent sous les bâtiments surélevés de 60 centimètres et la hauteur, qui varie de un à trois étages, a été adaptée pour se glisser sous les arbres " qui sont donc intacts ".
Les modules sont fabriqués par une filiale de Bénéteau, constructeur vendéen de bateaux : " C'est du made in France”, et c'est une solution flexible pour que, dans trois ans, nous puissions réutiliser les modules, insiste Ian Brossat, adjoint (PCF) à la maire de Paris, chargé du logement. Cet investissement de 4,8 millions d'eurosn'est donc pas perdu. " L'élu tient à souligner la mise en œuvre rapide, puisque à peine un an s'est écoulé entre l'annonce du projet par la maire PS Anne Hidalgo et l'arrivée des premiers occupants qui séjourneront ici entre trois et six mois. Il rappelle que « ce centre est une nécessité », car il n'en existe pas dans le 16e alors qu'une centaine de SDF y sont recensés.
« Vociférations »
Bien que provisoire, vu le site protégé dans lequel elle est implantée, la construction n'a rien à voir
avec des baraques de chantier. Les locaux sont confortables, bien isolés. Chaque studio compte une salle d'eau et des espaces communs généreux sont prévus dans les bâtiments et à tous les étages : des lieux pour discuter, prendre un thé, ou jouer, pour les enfants. Un studio familial mesure 18 mètres carrés, deux fois moins pour une personne seule. Il y a un réfectoire pour les repas. L'endroit sera clos et ouvert (sauf la nuit), sous la surveillance de gardiens 24 heures sur 24. Vingtsix salariés de l'association Aurore, à qui la gestion a été déléguée, s'y relaieront pour assurer les services hôteliers, mais également l'accompagnement social. Le prix par jour, à la charge de l'Etat, s'élève à 40 euros, soit le même que dans un hôtel mais avec un service et un encadrement de bien meilleure qualité.
Reste à faciliter la cohabitation avec les riverains. Tout le monde a en mémoire la réunion de concertation organisée à l'université Paris-Dauphine, le 14 mars, qui avait donné lieu à un déferlement inouï d'injures et d'agressivité de la part de soi-disant habitants de l'arrondissement, brandissant, par exemple, des pancartes avec l'inscription « Brosse à caca » visant à la fois la préfète de Paris, Sophie Brocas, et Ian Brossat. Laurent Batsch, président de l'université, présent en tant qu'hôte et qui avait, lui aussi, récolté son paquet d'injures, n'en est toujours pas revenu : « Jamais un étudiant ne s'est comporté comme cela. J'avais l'impression d'être face à des ligues fascistes des années 1930 et j'ai donc suspendu la réunion après vingt minutes », se souvient-il.
Quelques jours plus tard, souhaitant laver cette tache, il a organisé, à l'intention des étudiants, un dé-at avec, notamment, le philosophe et historien Marcel Gauchet, pour analyser l'événement et reparler sérieusement du projet. Cette fois, le directeur général d'Aurore, Eric Pliez, a été acclamé par une salle comble.

« Nous avons aussi reçu beaucoup d'offres de services bénévoles de la part de riverains qui ne se
reconnaissaient pas dans les vociférations de la réunion du 14 mars », rassure M. Pliez, qui se dit
tout à fait serein sur la future cohabitation.
Pétition de soutien
Morane Shemtov, étudiante en master de finances à Dauphine, élue à Saint-Cloud et fondatrice du parti de jeunes Allons Enfants, avait, elle, au lendemain de la concertation avortée, lancé une pétition de soutien au projet de centre d'accueil. En quinze jours, elle a réuni plus de 50 000 signatures sur le site change.org. " C'est plus que la pétition opposée au projet lancée par le maire du 16e arrondissement, Claude Goasguen, dont on ne peut d'ailleurs pas vérifier la liste des signataires, contrairement à la nôtre, assure-t-elle. Nous allons maintenant suivre ce dossier de près et nous mettre au service des résidents. "
Certains opposants au projet n'ont toutefois pas rendu les armes. L'Association des riverains du bois de Boulogne a déposé trois recours, toujours pendants, deux devant le tribunal administratif et un devant le Conseil d'Etat, pour « changement d'affectation de la chaussée » et « violation du secteur protégé du bois de Boulogne ». " Nous n'approuvons évidemment pas les insultes échangées - dans l'amphi de Dauphine - et je ne suis pas sûr qu'elles venaient des riverains mais peut-être d'extrémistes qui ont noyauté la discussion, avec un débat tardif et mal organisé, affirme Lionel Lemaire, le président de l'association. Nous n'avons rien contre les nécessiteux mais nous redoutons les indésirables. "
" Notre combat est uniquement environnemental pour défendre un des rares poumons verts de la capitale, nous estimons que les règles d'urbanisme et d'environnement ont été contournées, lance quant à lui Christophe Blanchard-Dignac, à la tête de la coordination de 26 associations pour la sauvegarde du bois de Boulogne. Les tribunaux trancheront. "

Publié dans revue de presse

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